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collectif citoyen du sud gironde pour l'école
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11 février 2009

Réforme université

LES DOSSIERS / La loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU)




Intervention de  Jean-Marie Harribey faite le 4 février, à la demande des étudiants de l'Université Bordeaux IV, en introduction à leur assemble générale.



La loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) du 10 août 2007 se décline en deux aspects principaux :

- La gouvernance des universités : les pouvoirs des présidents d'université sont accrus en termes de droit de veto au recrutement des fonctionnaires, de liberté d'embauche sous contrat (CDI, CDD) et de répartition des services d'enseignement.

- L'autonomie de gestion : elle signifie la possibilité de financements privés qui viendront se substituer aux financements publics en régression, et aussi l'augmentation des droits de scolarité payés par les étudiants.

L'augmentation des droits n'est pas inscrite dans la loi mais nous sommes au début d'un processus qui y conduira. Le risque pour nos universités est de ressembler un jour aux universités américaines dans lesquelles les droits d'inscription s'élèvent à plusieurs milliers de dollars.


Les conséquences de cette loi seront :


- Pour les établissements universitaires : concurrence accrue avec l'amenuisement progressif du caractère national des diplômes, déjà amorcé avec la réforme LMD dans le cadre européen.


- Pour les personnels : ils seront confrontés aux joies du management moderne basé sur le "mérite", dont on ne sait sur quels critères il sera jugé. D'où le caractère absurde de la "modulation" des services d'enseignement considérés comme une punition, une sanction. Il est important à ce sujet de ne pas séparer la critique de la LRU et celle de son décret d'application, car la loi pose des principes dont le décret se charge d'organiser la mise en oeuvre.


- Pour les étudiants : les inégalités entre universités déboucheront sur une discrimination sociale entre étudiants. De plus, il y a un risque de perte du pluralisme de l'enseignement, particulièrement en sciences sociales. Nous en savons quelque chose en économie.


Cette LRU doit être replacée dans son contexte. L'arrière-plan est le suivant :


- Il y a un processus européen et mondial de mise en concurrence et de marchandisation de l'enseignement supérieur et de la recherche. Ainsi, l'Accord général sur le commerce des services (AGCS) au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) prévoit d'intégrer dans le périmètre du marché et de la concurrence les services d'enseignement. En Europe, le Processus de Bologne (1999) et la Stratégie de Lisbonne (2000) visent à rendre "compétitifs" les services d'enseignement.


- En France, les grands organisme de recherche, dont le principal, le CNRS, sont démantelés. L'Agence nationale de la recherche (ANR, 2005) et l'Agence de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES) visent à promouvoir des projets de recherche en fonction de leur pertinence économique pour les entreprises. A ce compte-là, que restera-t-il de la recherche fondamentale ? Le physicien Albert Fert, prix Nobel 2007, a déclaré que si une telle loi avait existé, jamais il n'aurait pu découvrir ce qu'il a découvert.

Pour la seule année 2009, le gouvernement prévoit de supprimer 1030 postes dans l'enseignement supérieur et la recherche. Il a beau affirmer qu'il augmente les crédits pour investir, à quoi serviront les équipements si les enseignants-chercheurs en sont exclus ?


- Tout cela fait sens avec la remise en cause méthodique du système éducatif public, de la maternelle, à l'école primaire, au collège, au lycée, jusqu'à l'université, en passant par la suppression des IUFM et le démantèlement des concours d'enseignants. Cela fait sens aussi avec le démantèlement de tous les services publics au nom de la concurrence libre et non faussée, chère à l'Europe néolibérale : énergie, transports, poste, hôpitaux, etc. Le désengagement de l'Etat est partout le même et produit ses effets délétères.


En tant qu'étudiants de droit, de sciences économiques ou d'AES, vous pouvez comprendre les liens qui existent entre toutes ces dégradations de l'espace public et la crise économique majeure que le capitalisme mondial traverse. Car la dégradation des services publics est l'un des visages de la dégradation de la condition salariale dans le monde : salaires déconnectés de l'évolution de la richesse produite et explosion des dividendes qui ont nourri la financiarisation, laquelle a dégénéré en crise.


Bref, le mode d'accumulation et le mode de régulation qui se sont imposés sont insoutenables à long terme. Et cela d'autant que l'hypothèque qui est mise sur la recherche et l'enseignement supérieur est vouée à nous exploser à la figure, comme les subprimes, parce que dévaloriser la recherche et l'enseignement, c'est mettre un trait sur l'avenir, c'est-à-dire le vôtre.

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